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Un Rio +20 entaché de déceptions

Par Mathilde Bonassieux, Novethic

La conférence des Nations Unies sur le développement durable s’est close sous un ciel gris et pluvieux, à la mesure de l’ambiance qui règne en ce dernier jour. Dans les allées du Rio Centro, le vaste complexe où se déroulent les négociations à une quarantaine de kilomètres du centre-ville, le va-et-vient des participants, officiels et représentants de la société civile, dissipe mal le malaise.

 

Tribune de doléances

 

Pas de manifestations comme les jours précédents, mais les critiques et les doléances pleuvent. La journée a commencé avec la réception par le Secrétaire général des Nations-Unies Ban Ki-Moon d’une délégation de 36 représentants du Sommet des peuples, le rassemblement de la société civile qui a réuni des dizaines de milliers de participants en marge du sommet, venus faire part de leur profonde « déception » et « frustration » au regard du texte final.

« Vos mots ne sont plus suffisants. Un processus de l’ONU sans objectifs, sans échéance et sans inclusion véritable de la société civile ne fait que nourrir l’anxiété des populations qui souffrent du chomâge, de la pauvreté et de la destruction environemmentale de leurs terres et de leur moyens d’existence », s’est emportée au micro Nettie Wiebe. La représentante de Via Campesina a pointé du doigt le fait que les droits à la terre, à l’eau et à l’énergie ont été largement ignorés.

Le texte de 53 pages sur lequel se sont entendus les pays participants prône une « économie verte » encourageant l’acheminement des pays vers un modèle de développement plus respectueux de l’environnement. Mais la déclaration se garde d’imposer des « règles rigides » afin de ne pas constituer « une restriction déguisée au commerce international ».

 

Flou du texte

 

« On sort d’ici comme on est entré. Les gouvernements sont venus, ils ont vu et n’ont rien fait, déplore dans les couloirs du Rio Centro Muriel Saragoussi, ancienne secrétaire de coordination des politiques pour l’Amazonie au sein du ministère brésilien de l’environnement, aujourd’hui coordinatrice de campagne d’Oxfam.

La veille, le groupe majeur des ONG (l’un des neuf groupes représentant la société civile aux négociations) a publié un texte intitulé « L’avenir que nous ne voulons pas » reprenant par la négative le titre de la déclaration finale pour signifier leur rejet.

« Dans l’avenir que nous voulons, il y a de l’engagement et de l’action, pas seulement des promesses », énonce la pétition signée par des ONG comme Greenpeace et WWF mais aussi des personnalités comme Marina Silva, ancienne ministre de l’environnement du Brésil, ou Jean-Mirchel Cousteau, documentariste.

Joint par téléphone, Jean-Pierre Thébault, qui a représenté la France dans les négociations en qualité d’Ambassadeur délégué à l’environnement, concède que le « résultat n’est pas parfait » mais il voit « le début d’un chemin ». La faute en partie au choix des Brésiliens de bloquer les négociations, d’où le sentiment de frustration de la société civile, explique le diplomate.

Cependant l’Union Européenne a réussi à tirer les négociations vers le haut, pointant des éléments comme la reconnaissance d’une protection sociale ou du rôle de la société civile dans les futures négociations. Un succès d’estime selon lui, compte tenu de l’opposition des pays du G77 mais aussi de certains pays comme les Etats-Unis et le Canada qui « auraient très bien pu vivre sans ce texte »

En résumé, « il y a beaucoup de bonnes choses mais elles sont empêtrées dans une gangue, dans un langage complexe, ce qui donne l’impression d’un texte qui n’est pas immédiatement lisible. Mais on a des choses, un programme pour 5 ans. Tout va consister à extraire ces choses de la gangue ».

 

Un encouragement

 

De fait, Hélène Valade, directrice du département développement durable de Suez lancer des « Objectifs de développement durable » (ODD) un signe d’encouragement pour les entreprises à s’engager dans un autre modèle. « On va rentrer assez regonflés. L’économie verte nous inscrit dans une dynamique de création d’emplois verts et de préservation du lien social », explique-t-elle depuis le pavillon français.

Hélène Valade concède toutefois ses regrets sur le fait que « très peu de choses aient été posées » en matière de financement – crise oblige – et une certaine timidité concernant les fameux ODD. De fait, les objectifs, calqués sur le modèle de ceux du Millénaire adoptés en 2000 par l’ONU, ne seront mis en place qu’en 2015, après qu’un groupe de travail en ait défini les contours.

 

Rôle de la société civile

 

S’il est une conclusion à retenir de ce sommet, pointent nombre d’ONG et représentants de la société civile, c’est le rôle décisif des citoyens. A défaut d’engagements concrets, « les citoyens doivent faire pression pour que le processus soit mis en place », défend Muriel Saragoussi, prenant l’exemple de la taxe sur les transactions financières défendue par le président français François Hollande. « Nous espérons que cette taxe sera utilisée pour combattre la pauvreté et le changement climatique ».

Dans cette grisaille qui tranche avec le soleil qui avait brillé lors du précédent Sommet de la terre à Rio en 1992, se rappelle la représentante d’Oxfam, celle-ci entrevoit un autre « rayon de soleil » : le défi lancé par le Secrétaire général des Nations Unies en faveur de la création d’un programme Faim zéro calqué sur le modèle brésilien. « C’est un défi qui se met sur la table aujourd’hui. Et nous espérons que les gouvernements, les représentants de l’ONU y donneront suite ». A la société civile de faire pression pour que ceux-ci en prennent le chemin.