Par Mathilde Bonassieux, Novethic
Sous un grand ciel bleu, militants associatifs et personnels d’ONG, groupes indigènes, mouvements paysans, journalistes et badauds vaquent d’un stand à une conférence sur l’Aterro de Flamengo, au bord de la baie de Rio. A la veille de la réunion officielle sur le futur de la planète, le Sommet des peuples, « Cupula dos povos » en portugais, bat son plein. Le grand rendez-vous de la société civile en marge de Rio +20 attend près de 15000 personnes par jour jusqu’au 23 juin. La foule est bigarrée, l’atmosphère bonhomme. Mais passée l’apparente décontraction, inquiétude et colère prédominent, nourries par le sentiment d’une catastrophe imminente. « Rien ne va sortir de ce sommet. L’économie verte n’est pas une posture qui va changer le monde. Au contraire, elle fait primer les intérêts économiques », lance Danicley de Aguiar, chargé de la campagne Amazonie de Greenpeace. « Les nations ne comprennent pas qu’elles vont beaucoup perdre. Les chefs d’Etat d’ailleurs ne s’en sont pas préoccupés. La preuve, Obama, Merkel ou Cameron ne seront pas présents ».
Un texte « très faible »
Et les participants au Sommet des peuples ne comptent guère sur le gouvernement brésilien pour sauver la mise. Pressée par le temps, Brasilia qui a pris les négociations en main samedi a fourni un projet de déclaration finale amputé d’une trentaine de pages, débarrassé de ses points les plus polémiques. « Nous étions arrivés à améliorer un peu le texte lors des dernières négociations à New York avec le retour notamment du droit à l’eau mais la dernière mouture est encore plus faible. Le chapitre sur l’eau a été fondu dans celui sur la sécurité alimentaire, ce qui affaiblit considérablement le propos », explique André Abreu qui a représenté l’organisation France-Libertés dans les réunions préparatoires en mars et avril dernier à l’ONU et l’un des organisateurs de la Cupula dos Povos.
Parmi les rares points susceptibles de satisfaire les mouvements de la société civile, subsistent la nécessité d’ériger un indicateur de mesure du progrès au-delà du PIB, ainsi que l’unification des agences onusiennes. Pour le reste, les organisations ont le net sentiment que les gouvernements veulent aboutir à un accord « a minima » et donc sans consistance.
Jouer dans les interstices
A ce stade des négociations, la possibilité d’une surprise de dernière minute est désormais exclue, sans compter que celles-ci ne disposent quasiment d’aucun levier de pouvoir. Dépourvues de siège à la commission onusienne du développement durable, les ONG ont été cantonnées à un rôle consultatif pendant les négociations.
« Nous n’avons pas de voix donc on joue dans les interstices, déplore André Abreu. Tout dépend du lobbying, des pressions ». D’où la nécessité d’être présents également au Rio Centro, l’édifice où se déroulent les négociations officielles, à une quarantaine de kilomètres du Sommet des peuples. Dans les couloirs, les ONG approchent les membres des délégations pour les convaincre de glisser leurs revendications à leur texte de recommandations.
Divergences de stratégies
D’autres plus résignés quant aux possibilités d’introduire un quelconque changement dans un sommet perçu comme perdu d’avance misent à plus long terme sur la force de la société civile et la pression de la rue. Ainsi de Greenpeace qui vient de lancer au Brésil la campagne « Zero déforestation » dans le but de présenter au Congrès une loi d’initiative populaire plus restrictive sur l’abattage. 1,4 millions de signatures d’électeurs brésiliens leur sont nécessaires. « La Cupula dos povos est un moment où la société civile se repense, où elle réfléchit aux manières d’encadrer le gouvernement, explique Danicley de Aguiar. Au final, Rio +20 va faire ce que les Etats-Unis veulent. Donc la résistance commence ici, il faut affronter le gouvernement dans la rue ».
Si les avis sont unanimement négatifs quant aux chances d’aboutir à un texte satisfaisant, des divergences transparaissent entre les différents mouvements de la société civile sur les stratégies à adopter vis-à-vis des gouvernements. André Abreu met en garde contre le risque d’enfermement, s’appuyant sur l’expérience des négociations passées. Selon lui, les organisations ont elles aussi une part de responsabilité dans cet échec annoncé. « Malheureusement les ONG n’ont pas accepté un dialogue avec les instances de gouvernement. On a abouti à un dialogue de sourds ». A l’issue des assemblées de débats organisées dans le cadre du Sommet des peuples, une délégation en présentera les résultats au secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon le 20 juin, jour d’ouverture du sommet officiel.